Eléments d'écologie marine - les facteurs biotiques
Les facteurs biotiques caractérisent les interactions entre espèces. On en rencontre plusieurs types :
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la compétition, entre espèces ou au sein d'une même espèce (défense du territoire, reproduction, etc.) ;
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la prédation (une espèce sert de nourriture à une autre) ;
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le parasitisme (une espèce prélève sa nourriture au détriment d'une autre) ;
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l'entraide, qui peut revêtir plusieurs formes : le commensalisme (un seul des deux partenaires bénéficie réellement de l'association sans que l'autre en subisse un détriment), le mutualisme (les deux partenaires profitent de l'association, mais ils peuvent vivre séparément l'un de l'autre) et enfin la symbiose (les deux partenaires profitent de l'association, qui est obligatoire pour que les partenaires survivent).
1°) La compétition
La compétition entre espèces peut recouvrir deux formes :
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La compétition entre espèces, ou compétition interspécifique, qui vise essentiellement à prendre le dessus sur les espèces environnantes pour survivre ;
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La compétition intraspécifique, particulièrement visible durant la période de reproduction, vise souvent à défendre son territoire contre des concurrents. La compétition intraspécifique peut aussi avoir pour objet la lutte pour la nourriture ou un autre élément important pour la survie de l'espèce (lumière, par exemple, dans le cas des végétaux, la compétition intraspécifique étant un déterminant essentiel pour les arbres des forêts).
Les poissons de roche, comme ici Blennius rouxi ont fréquemment un comportement territorial très marqué, qui les conduit à pourchasser tout être osant pénétrer sur leur territoire, même le plongeur !
La vitesse de croissance de certaines éponges leur permet d'être particulièrement compétitives en matière de lutte pour le territoire. On voit ici une éponge Dysidea qui a très rapidement englobé une algue verte sous-jacente.
Les surplombs rocheux présentent généralement des surfaces totalement couvertes par les éponges ou d'autres animaux encroûtants, comme les bryozoaires. La lutte pour l'espace vital atteint ici son apogée. Les éponges sont, d'une manière générale, très adaptées à cette compétition et disposent d'un arsenal chimique redoutable, apte à terrasser la plupart de leurs concurrents potentiels.
2°) La prédation
"Manger ou être mangé" pourrait être la devise de la plupart des animaux marins, la nutrition étant, avec la reproduction, l'un des deux éléments majeurs rythmant la vie des animaux.
Les bactéries sont fréquemment à la base de la chaîne alimentaire. D'une manière générale, elles captivent peu le plongeur et nous les laisserons donc en paix.
Au bas de la chaîne trophique se trouvent les herbivores. En milieu marin, le phytoplancton représente la principale source végétale disponible. Les consommateurs primaires, premiers prédateurs, sont donc très souvent des planctonophages (il existe bien évidemment des espèces qui consomment directement des végétaux macrophytes, comme les saupes). Compte tenu de la petitesse du phytoplancton, les phytoplanctonophages seront très souvent de petite taille. Les copépodes, comme l'individu ici représenté, sont les principaux consommateurs primaires et peuvent être particulièrement abondants par endroit.
Les saupes, Sarpa salpa, sont des poissons herbivores, prédateurs bien connus de la posidonie.
Les copépodes ne sont pas des animaux très grands, aussi leurs prédateurs restent-ils des poissons de taille modeste. On trouvera parmi ceux-ci le barbier, Anthias anthias, ou encore la castagnole, Chromis chromis.
Les prédateurs de ces petits poissons sont les poissons-rois (vu du plongeur...). On trouvera ainsi le denti, Dentex dentex, le bar Dicentrarchus labrax ou encore le mérou Epinephelus marginatus, dont on voit ici un beau mâle.
Les nécrophages et les détritivores, comme ici le homard Homarus gammarus, permettent de boucler la chaîne du carbone, en facilitant la disparition et la décomposition de la matière organique.
3°) Le parasitisme
Le parasitisme est un mode de vie dans lequel un être vivant, le parasite, se nourrit et s'abrite aux dépends d'un hôte. L'hôte voit donc son mode de vie perturbé du fait du parasite (rythme de croissance, durée de vie, capacité de reproduction, etc.). Les parasites, animaux et végétaux, sont nombreux dans la nature, et les hôtes potentiels ont développé de nombreuses techniques pour éviter d'héberger un parasite. Les parasites ont fréquemment recours à plusieurs hôtes pour pouvoir compléter leur cycle de vie (cycle hétéroxène, par opposition au cycle monoxène qui se déroule dans un seul et malheureux individu). On distingue les parasites endocellulaires, qui vivent au sein des cellules de l'hôtes (champignons, virus, etc.), les endoparasites, qui vivent à l'intérieur de l'hôte (nombreux nématodes, par exemple), et les ectoparasites, qui vivent à l'extérieur du corps de l'hôte ou dans des cavités en communication avec l'extérieur, comme la cavité buccale ou les cavités branchiales (sangsues, crustacés anilocres, etc.). Les endoparasites peuvent être divisés en deux groupes : les endoparasites vrais, ou euparasites, qui pénètrent et sortent de l'hôte par effraction des tissus, et les mésoparasites, qui pénètrent et sortent de l'hôte sans effraction, et que l'on retrouvera par exemple dans l'intestin, le foie, les sinus, etc. Les parasites peuvent être spécifiquement adaptés à une espèce donnée, on parlera alors d'oioxénie. Ils peuvent au contraire être adaptés à quelques espèces (sténoxénie) ou à un grand nombre d'espèces (euryxénie).
Il est relativement fréquent de rencontrer des labridés parasités par un crustacé, ici Anilocra physodes. Le parasite se nourrit du sang de son hôte et se positionne à un endroit peu protégé par les écailles. Il est capable de se détacher très rapidement pour rejoindre, en nageant, un nouvel hôte.
La comatule de Méditerranée Antedon mediterranea est très souvent parasitée par des vers myzostomiens, auquel n'appartient probablement pas le parasite que l'on peut observer sur cette photo.
4°) L'entraide
La forme la plus rudimentaire de l'entraide est le commensalisme, dans lequel un individu profite d'une autre espèce pour en tirer un bénéfice : nourriture, déplacement, surélévation pour accéder à la lumière, etc. Contrairement au parasitisme, aucun des deux individus commensaux n'est lésé par cette association. Le commensalisme est relativement fréquent en milieu marin, et le plongeur n'aura donc que peu de difficultés à découvrir sur le terrain ce type d'association.
La murène est très souvent accompagnée dans son trou par de petites crevettes rouges Lysmata seticaudata qui profitent de ses restes de repas et, par ailleurs, lui nettoient la bouche.
Un exemple de commensalisme réellement asymétrique (l'un des partenaires profite de l'association, et pas l'autre) : de jeunes chinchards s'abritent à proximité d'une méduse Cotylarhiza tuberculata, qui les protège des prédateurs.
Une forme plus évoluée d'entraide, le mutualisme, permet aux deux individus de profiter de l'association, qui n'est pas obligatoire pour la survie des espèces. Tout comme le commensalisme, le mutualisme est relativement fréquent en milieu marin.
Une des illustrations les plus courantes du mutualisme est l'association entre le bernard l'ermite Dardanus arrosor et l'anémone commensale (mal nommée...) Calliactis parasitica. Ces deux animaux peuvent vivre séparément. L'anémone profite des restes du repas du bernard l'ermite et, probablement, de ses capacités de déplacement. Le bernard l'ermite profite d'une protection efficace qui, par ailleurs, lui évite d'avoir à déménager (la base de l'anémone vient prendre le prolongement de la coquille abitée par le bernard l'ermite).
La forme la plus poussée de l'entraide est la symbiose, dans laquelle deux espèces vivent étroitement associées, et ne peuvent généralement pas vivre séparément. Le symbiotisme n'est pas très fréquent dans nos eaux.
Les lichens, ici Caloplaca marina et Verrucaria maura, représentent une forme aboutie de symbiose entre une algue et un champignon. Les deux espèces sont étroitement imbriquées et il est très difficile, voire impossible, de les dissocier.
Comme les coraux tropicaux, les tissus de Cladocora cæspitosa abritent des zooxanthelles (algues symbiotiques appartenant au groupe des dynophycées, qui donnent une couleur brune caractéristique aux polypes. Les zooxanthelles apportent à l'animal des substances nutritives (glucides, etc.).
Un bel exemple de symbiose entre un mollusque bivalve et une plante supérieure. On ne sait pas encore si c'est la plante supérieure, d'origine terrestre, qui est retournée à la mer ou si, au contraire, le bivalve a conquis progressivement des espaces terrestres qui lui étaient auparavant inaccessibles. La symbiose reste fugace, ne durant guère plus que la durée d'un repas.
5°) Les espèces allochtones
La modernisation, et l'apparition de moyens de transport à grandes distances, ont permis une dissémination des espèces largement au-delà de leur aire habituelle de croissance. De nouvelles espèces sont ainsi apparues sur nos côtes depuis le XIXème siècle. Ces espèces ont parfois su rester discrètes, trouvant rapidement leur place au sein de l'écosystème. Les espèces allochtones ont parfois eu au contraire un effet dramatique sur les populations locales, en les remplaçant dans leurs biotopes. Ainsi, la spartine européenne Spartina maritima a disparu d'une large partie de nos côtes suite à l'introduction vers 1870, en provenance d'Amérique, de la spartine Spartina alterniflora. Le développement de cette seconde spartine restait très limité. Malheureusement, elle s'est hybridée avec Spartina maritima pour donner Spartina townsendii (hybride donc stérile, et donc peu apte aux grandes conquêtes territoriales). Spartina townsendii a réussi très rapidement, en doublant son nombre de chromosomes, à donner naissance à une nouvelle espèce sexuée, Spartina anglica, beaucoup plus vigoureuse que Spartina maritima et qui l'a rapidement supplantée sur les côtes anglaises et, progressivement, sur le nord des côtes françaises. Cet exemple suffit à montrer l'impact que peut avoir l'introduction d'espèces étrangères.
La sargasse japonaise est une espèce qui a été importée dans nos eaux, depuis le Japon, lors du transfert de naissin d'huîtres Crassostrea gigas, suite à la grave crise d'épizootie qui avait décimé les populations d'huîtres plates dans les parcs. Son apparition avait mis en émoi la population scientifique, compte tenu de sa vitesse de progression. Elle a aujourd'hui trouvé sa place dans l'écosystème.
La caulerpe Caulerpa taxifolia a également été introduite accidentellement en Méditerranée, probablement par l'aquarium de Monaco. Après une expansion quasi-explosive, qui avait suscité de grandes inquiétudes et un nombre important de recherches, quelques hivers froids ont conduit à une forte régression des populations présentes sur nos côtes.
A l'inverse de la caulerpe, Codium fragile a trouvé sa place rapidement dans l'écosystème méditerranéen. Cette espèce, originaire du Pacifique, a été introduite au milieu du XXème siècle.
L'algue à crochets Asparagopsis armata est originaire d'Australie et de Nouvelle Zélande. Introduite en 1925 sur les côtes européennes, elle a également trouvé un certain équililbre, même si elle peut être considérée comme particulièrement envahissante au printemps.