Stage bio CODEP 21 aux Embiez
19 et 20 juin 2010
Par Christophe Quintin
Ce stage fut placé, pour des raisons que vous découvrirez en lisant cette page, sous le patronnage de Bombus terrestris, le bourdon terrestre, facilement reconnaissable à son cul blanc.
Le bourdon terrestre est un hôte extrêment fréquent de l'île des Embiez, et son butinage incessant contraste avec le calme des lieux, lorsqu'on est à l'abri du vent. Il n'est bien évidemment pas le seul insecte de l'île,et l'observateur attentif ne tardera pas à découvrir la faune innombrable qui se cache parmi la végétation. Le discret coléoptère Oxythyrea funesta (drap mortuaire), au nom prédestiné pour cette sortie bio, figurera certainement parmi les premières découvertes de l'observateur.
On pourra aussi rapidement apercevoir des coléoptères plus colorés, comme Mylabris quadripunctata, le mylabre à quatre points, ici au travail sur un bouquet de cinéraire maritime.
Les abeilles sauvages, comme ce beau Halictus scabiosae, ne sont évidemment pas en reste.
Les butineurs ne sont pas seuls au monde, et les hémiptères, comme ces juvéniles de la punaise verte Nezara viridula, participent également à la fête.
Mais résumer la vie sur l'île des Embiez aux insectes serait évidemment réducteur. La flore, abondante sur cette île protégée, permet de prendre conscience des richesses des abords de notre mer Méditerranée. Le cinéraire maritime, Senecio cineraria, aujourd'hui largement acclimaté dans nos jardins, y pousse ici naturellement.
La scabieuse colombaire, Scabiosa columbaria, est ici chez elle parmi les prés secs qui bordent la côte.
La carotte à gomme, Daucus gummifera, abonde également à proximité de la côte.
C'est ici l'occasion de revoir notre ami le bourdon terrestre, qui n'utilise cette carotte que pour ses fleurs.
En parlant de carottes, la queue de lièvre, Lagurus ovatus, reconnaissable entre toutes, est fréquemment rencontrée dans les buissons.
Des orobanches, plantes parasites dépourvues de pigments verts, sont également observables par endroit.
Les figuiers des Hottentots, ou crocs de sorcières, Carpobrotus edulis, recouvrent parfois de vastes surfaces de roche. Cette espèce, originaire d'Afrique du sud, est aujourd'hui considérée comme invasive dans de nombreuses régions, en raison de sa capacité de développement importante. Si une petite faim vous guette, sachez que son fruit est comestible (cette plante fait partie de la vaste famille des ficoïdes).
Autre espèce importée, cette fois-ci du Mexique, l'Agave d'Amérique, Agave americana, est facilement repérable dans le milieu.
Cette plante ne fleurit qu'une fois, de manière particulièrement imposante, puis meurt.
Le parcours des côtes de l'île permet d'appréhender certaines spécificités écologiques des côtes méditerranéennes. Il est ainsi possible d'observer la présence, sur certaines plages, d'épaisses banquettes constituées des feuilles mortes de posidonies déposées lors des tempêtes.
Les arbres côtiers marquent par leur orientation le sens du vent dominant (qui a dit que le mistral soufflait ici ?). Ce phénomène, rencontré sur toutes nos côtes, s'appelle l'anémorphisme. Il est d'autant plus marqué que des vents violents, chargés d'embruns salés, soufflent sur la zone. L'image qui suit montre que le vent ne fait pas mine de souffler sur la côte Nord-Ouest des Embiez !
Mais, me direz-vous, un stage bio CODEP n'est-il pas sensé se dérouler sous l'eau ? Je me dois à présent de vous présenter une autre vision de ce week-end agité !
Tout avait bien commencé, le bac nous attendant à l'heure prévue pour rejoindre la terre promise. Les valeureux stagiaires étaient tous présents, prêts à remplir leurs esprits des mille et une facettes de la vie aquatique.
L'arrivée sur l'île, sous un soleil couchant magnifique, laissait augurer de deux journées de pur bonheur, à peine bercées par un doux clapot.
Les premiers gestes sur l'île nous ramenèrent à une réalité plus cruelle : un sac de plongée et un sac d'affaires propres et sèches représentent toutes deux des charges lourdes lorsqu'il s'agit de les porter jusqu'à l'hôtel. On l'a toujours dit : vive le tennis de table (s'il ne faut pas porter la table...).
Une fois le souffle retrouvé après tant d'efforts, une autre réalité, non moins cruelle, se rappela à nous. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé écrivait Lamartine. Un seul objet commun vous manque et tout est compliqué lui répondra sans doute le plongeur peu précautionneux débarquant sur l'île des Embiez. Qui savait que le papier toilette était désormais devenu un objet de luxe dans les résidences hôtelières ?
Sept est le chiffre biblique par excellence. C'est aussi, exprimé dans l'échelle Beaufort, une bonne indication pour signaler aux plongeurs qu'il est temps de passer à la pétanque... Nos valeureux stagiaires n'ont pas écouté ce principe de sagesse et le groupe A, fier et conquérant, a appareillé vers 9h00.
Au départ, on sentait poindre une note d'humour chez les membres de l'équipe B, attendant patiemment leur tour sur le quai, cheveux au vent (frais...).
Cinq minutes, c'est le temps nécessaire au bateau pour sortir du port des Embiez. C'est aussi le temps durant lequel l'équipe A pu profiter du soleil et d'une combinaison sèche. Les choses évoluèrent ensuite rapidement et les plongeurs purent bénéficier gratuitement d'une mise à température progressive grâce à un arrosage intensif.
L'avantage du gros temps, c'est que les passagers ne pensent plus qu'ils vont être malades. Le mal de mer fut donc le grand absent de cette sortie arrosée. Ce ne fut pourtant pas faute de tangage et de roulis !
"Je connais un endroit calme où vous pourrez plonger malgré le mistral" nous disait le Capitaine. "Un vrai lagon, une piscine...". Force fut de constater que la piscine s'était transformée en jacuzzi et que, à moins de ne pas aimer son prochain, il était préférable de rebrousser chemin.
Nos valeureux stagiaires, après retour au port et séchage, sont donc revenus à des pratiques sportives habituelles, nécessitant un entraînement physique adapté et rigoureux : le lever de coude. Les livres de biologie marine étaient cependant de sortie, et chacun pu décrire et commenter les espèces qu'il aurait du voir dans le jacuzzi.
La côte au vent de l'île semblant propice à la plongée du bord, il fut décidé de partir à pied l'après-midi pour rejoindre le sud-est de l'île afin de mettre enfin la tête sous l'eau. La plongée se déroulera donc sur une classique
biocénose de la roche infralittorale à algues photophiles (pas la peine d'espérer descendre très bas!), une biocénose idéale pour un stage bio (vu d'un encadrant bio, pas nécessairement d'un plongeur...).
La bonne humeur était présente au départ.
La mise en route d'une quarantaine de plongeurs à travers l'île ne passa pas inaperçue, l'équipement lourd étant transporté grâce à deux véhicules généreusement mis à disposition. Le soleil étant de la partie, malheur à celui qui s'était totalement équipé avant le départ !
L'arrivée sur la plage de Coucoussa ne fut pas particulièrement discrète, conduisant rapidement au départ de quelques baigneurs, à qui nous devons présenter toutes nos excuses. La descente vers la plage n'était pas particulièrement acrobatique mais nécessitait cependant une certaine attention, particulièrement avec le bloc sur le dos.
La mise à l'eau de la plage ne fut pas un problème, malgré la présence de gros blocs rocheux et une houle parfois pernicieuse. Les observateurs attentifs (et patients...) auront cependant noté la facheuse tendance des plongeurs bio à causer de ce qu'ils vont voir avant de se mouiller, éternisant ainsi la phase de mise à l'eau.
Les algues rencontrées sur le site sont tout à fait représentatives de la biocénose de la roche infralittorale à algues photophiles. On reconnaîtra aisément sur la photo ci-dessous Padina pavonina (Padine), Dictyota linearis, Acetabularia acetabulum (Acétabulaire), Stypocaulon scoparia (Balai de mer).
L'herbier à posidonies présent, autre biocénose classique de ces petits fonds, reste en bon état.
La faune rencontrée parmi les blocs rocheux est un grand classique. On y trouve naturellement de nombreux échinodermes, comme les oursins Arbacia lixula et Paracentrotus lividus ou l'étoile de mer épineuse Coscinasterias tenuispina (désolé pour la qualité de la photo; ce n'est pas l'étoile qui bougeait trop vite pour la photo, mais la houle qui secouait bien le photographe...).
On y trouve aussi de nombreux pagures, comme Pagurus anachoretus, ici bien à l'abri dans une coquille de Cerithium vulgatum
Ces fonds sont également le royaume des mollusques comme le rocher fascié, Heraplex trunculus
Ces murex sont actuellement en période de reproduction, et il est donc possible d'observer, flottant librement au fond, des amas d'oeufs. Ces amas sont produits par plusieurs individus se regroupant au moment de la ponte
Les blocs rocheux hébergent également un bryozoaire caractéristique, se présentant sous la forme de croûtes brun foncé, Reptadeonella violacea. Il faut s'approcher de très près pour pouvoir observer les lophophores
Bien cachée dans les anfractuosités entre les rochers, l'anémone Aiptasia mutabilis est un hôte très classique de cette biocénose. L'animal peut libérer, lorsqu'il est importuné, des aconties blanches, filaments urticants pratiquement uniquement composés de cnidocystes, bien visibles par transparence dans les tentacules de l'animal. Malgré cet appel à la prudence, il peut être intéressant pour le plongeur de "tripatouiller" un peu cette anémone, car elle abrite fréquemment depetites crevette transparentes Peryclimenes, qu'on ne pourra voir que si l'anémone se rétracte.
Une grande partie de la vie sur ce fond de blocs est cachée sous les pierres. Il faut donc les soulever délicatement (en n'oubliant pas de les remettre en place !) pour pour prendre conscience de la richesse des lieux. On y découvre alors une vie foisonnante, avec notamment de nombreuses éponges (dont la belle éponge encroûtante bleue Terpios gelatinosa,bien visible ici au centre de la photo)
Outre les éponges, les dessous de blocs abritent très fréquemment des chitons. L'un des chitons fréquents sur ce site de plongée était le chiton blanc, Lepidopleurus cajetanus, aisément reconnaissable par sa forme et sa couleur.
Il était également possible de rencontrer le chiton olive, chiton olivaceus, bien connu des plongeurs bio (du moins ceux qui ne dorment pas en cours...).
La recherche sous les pierres permet parfois de repérer d'autres animaux moins fréquents, comme la lime, Lima hyans, qui partira rejoindre une cachette en battant ses deux valves, ou des annélides polychètes, comme la souris de mer, Aphrodite aculeata. Ce vers possède des soies rigides sur les côtés du corpsdont il faut se méfier, car elles sont urticantes. L'animal présent sur la photo est situé à proximité d'une algue classique de la biocénose de la roche infralittorale à algues photophiles : Liagora viscida, immédiatement reconnaissable par sa forme très singulière et sa couleur blanche.
Le seul grand absent de ce faciès typique à Stypocaulon scoparia aura finalement été le saccoglosse Elysia timida, généralement fréquent dans ce type de milieu, et ici totalement absent
La présence sur le site de plongée de roches de taille plus importante permet l'apparition de surplombs, et l'implantation d'une faune et d'une flore très différente, plus typique des fonds habituellement fréquentés par les plongeurs. On peut alors repérer des parterres d'anémones encroûtantes, Parazoanthus axinellae, et l'ascidie rouge Halocynthia papillosa.
Ces surplombs abritent également de nombreuses éponges, comme l'éponge cornée Scalarispongia scalaris, plus rèche que notre classique éponge de toilette.
Le squelette de ces éponges peut parfois être retrouvé sur les plages, notamment après les tempêtes d'hiver.
On y rencontre également la très belle clathrine orange, Clathrina rubra, ici photographiée à proximité de l'algue Udotea petiolata, autre hôte habituel des surplombs et de la biocénose des algues sciaphiles.
La sortie de l'eau ne fut pas des plus élégantes pour tout le monde, les organisateurs ayant choisi de nous montrer par l'exemple la proximité phyllogénique existant entre le plongeur et le phoque moine, espèce emblématique de la Méditerranée, aujourd'hui en voie d'extinction.
Si cette plongée du bord fut l'unique plongée du week-end pour la plupart des stagiaires, certains petits veinards eurent l'occasion, le dimanche matin, de rencontrer de nombreuses espèces méditerranéennes souvent rêvées par les plongeurs. Parmi celles-ci, on peut évidemment citer l'hippocampe Hippocampus guttulatus, qui semble ici courroucé qu'on puisse lui tirer le portrait.
On y rencontra également le cousin germain de l'hippocampe, le Syngnathe.
Le sparaillon, Diplodus annularis, est le plus petit sar rencontré dans nos eaux. Il est immédiatement reconnaissable à ses nageoires pelviennes jaunes.
La grande cigale de mer, Scyllarides latus, aujourd'hui très difficile à rencontrer en plongée, est une espèce strictement protégée en France et en Europe.
Ces rencontres merveilleuses ne se firent malheureusement pas au fond de l'eau (toujours aussi agitée avant l'arrivée de la pluie...) mais dans l'aquarium des Embiez, qu'on ne peut qu'inciter à visiter.
La visite de l'île vaut le détour, car outre la flore évoquée précédemment, les paysages sont magnifiques (ici la plage des Allemands).
La pluie arriva juste après le repas de dimanche midi. Cette pluie calma bien les ardeurs du vent et aurait probablement rendu plusieurs sites plongeables. Mais l'ardeur des plongeurs avait-elle aussi été vaincue, et le retour par le bac fut donc plus rapide que prévu initialement.
Malgré la météo maussade pour achever ce stage en demi-teinte, les sourires s'affichaient sur les visages. Comme quoi un plongeur peut être heureux même hors de l'eau...
Allez, la prochaine fois on emmènera le beau temps avec nous depuis Dijon !